J’ai lu quelques éléments de votre message de départ dans le St. Martin Week du 19 juin dernier, avec une curiosité pressante, puisque j’entendais des critiques de la part de plusieurs Saint-Martinois, qui se sont sentis insultés que vous avez qualifié la violence trouvée à Saint-Martin “socialement, voire culturellement enracinée”. Pour eux, c’est faux, dans la mesure où ils font référence à la société saint-martinoise, alors que vous, vous avez été confronté à la société nouvelle qui date d’environ une vingtaine d’années, après l’arrivée de la Caisse d’Allocations Familiales de la Guadeloupe sur notre île, pour diminuer surtout les chiffres excessifs du chômage au début des années 90, entre autres.
Le système pratiqué, caractérisé par les effets pervers de la défiscalisation et la création de la SEMSAMAR appliquant des politiques publiques en faveur des immigrés, ont créé de toutes pièces une société nouvelle, bénéficiant d’allocations de toutes sortes, de regroupement familial et d’augmentation exponentielle d’une population régularisée en grand nombre, qui s’est greffée sur la nôtre.
Comme la société saint-martinoise ne créait pas de problèmes aux autorités, elle devait disparaître et être réduite au silence, coûte que coûte. Il fallait faire croire officiellement que les Saint-Martinois qu’on a trouvés chez eux n’existent plus, et que tout le monde était saint-martinois, donc fondu et confondu dans la société nouvelle. On a créé une identité nouvelle, on a distribué la nationalité française, et la partie était gagnée, puisque les élus ont trouvé leur compte en voix supplémentaires aux élections et en augmentation de la dotation globale.
Cher Commandant, c’est ce “nid de fourmis” dans lequel vous vous êtes trouvé à votre arrivée à Saint-Martin. Les chiffres de la délinquance de cette société nouvelle vous “donnent le vertige” et nous aussi, à certains moments, nous avons plus que le vertige. Les responsables de cette société nouvelle qui veulent nous faire disparaître, vous ont donné des médailles, qui ont sans doute un goût amer, car le “sentiment d’inachevé” que vous avez ressenti, vous ne l’avez partagé qu’à votre départ, ce que certains regrettent, mais moi, je vous comprends et vous remercie de votre honnêteté. Le “tonneau”, tout au long de ces trois années passées au milieu des responsables, condamnés à le garder plus ou moins rempli en y versant sans cesse des seaux d’eau sans résultat positif, n’a sans doute pas donné le vertige aux responsables de cette situation.
Notre Patriarche des Jardins de Bellevue a utilisé une image correspondante, bien à nous, lors d’une émission radio, non pas uniquement en référence à la délinquance, mais particulièrement en référence à la situation générale subie par la société saint-martinoise, à laquelle il appartient, bien distincte à ses yeux de la société nouvelle. C’est l’image du canot de pêche qui prend de l’eau au large et du pêcheur qui essaie en vain de vider l’eau sans que ses efforts, de plus en plus vigoureux, ne changent en rien ni la situation, ni son état de désespoir, car il sait qu’il va couler.
Cette image et la vôtre contiennent, cependant, la solution à cet état de travail incessant, voire inutile, de disponibilité, d’engagement, de détermination dont vous avez fait preuve, selon vos amis. Vous avez donné l’impression de vous y adapter, selon les élus, mais nous savons aujourd’hui qu’après le vertige, “vous êtes heureux de retrouver votre famille”, car c’est là “l’essentiel” pour vous. Vous laissez derrière vous une société saint-martinoise meurtrie, mais qui connaît la solution à cette situation, et des autorités locales et nationales qui préfèrent continuer à faire la sourde oreille et à jouer à l’autruche.
Saint-Martin, c’est aussi l’essentiel pour nous. Contrairement à vous, nous n’avons nulle part allé. C’est nous, les Saint-Martinois, qui devrons trouver comment retourner à l’essentiel ici sur notre rocher. Ou bien nous coulerons ou bien nous survivrons.
Daniella JEFFRY