Caisse d'Epargne : la garde à vue du trader prolongée

Un trader de la Caisse d'épargne a été placé mercredi matin en garde à vue dans les locaux de la Brigade financière à Paris, saisie d'une enquête préliminaire sur la perte de 751 millions d'euros subie en plein krach boursier par la banque. Cette garde à vue sera prolongée jeudi matin de vingt-quatre heures, a annoncé mercredi soir un représentant du parquet de Paris.

Le domicile de cet homme de 33 ans, Boris P., a été perquisitionné dans la journée, sans que la justice précise si des documents ont été saisis.

Embauché par la banque en 2001, d'abord comme assistant trader, le trader fait actuellement l'objet d'une procédure de licenciement, selon une source proche de la banque.

Il est interrogé dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte vendredi par le parquet pour abus de confiance. Elle vise à «déterminer le mécanisme qui a conduit à cette perte et à rechercher d'éventuelles responsabilités pénales». La Caisse nationale des Caisses d'épargne et de prévoyance (CNCE) a porté plainte contre X. Sollicitée mercredi, elle n'a pas souhaité faire de commentaire.

Lundi, les policiers se sont déplacés au siège de la banque pour se faire remettre des documents.

Le trader aurait pris des risques «de sa propre initiative»

Dans un rapport interne préliminaire, l'inspection de la banque avait pointé la responsabilité d'un trader dans ces pertes hors-normes. Le directoire de la Caisse d'Epargne avait décidé en avril l'arrêt des activités d'investissement pour son compte propre. L'équipe de la salle des marchés de l'Ecureuil, où travaille ce trader, était censée liquider progressivement son portefeuille d'ici à la fin de l'année. Or, «à partir du 15 septembre», au lieu d'agir en ce sens, le trader «semble s'être engagé de sa propre initiative et pour des montants importants (...) dans une stratégie risquée», note le rapport interne.

«Cette stratégie sera renouvelée plusieurs fois au cours du mois et début octobre, y compris sur des montants exceptionnellement élevés», poursuit le document qui souligne que «cette dérive dans la gestion» n'a pas été perçue à temps «du fait d'un nombre important de défaillances du contrôle interne et d'alertes ignorées». Ce dernier aurait tenté de minimiser les risques par des déclarations «rassurantes», mais «mensongères», souligne encore le rapport.

Les positions prises par ce trader sur le marché des dérivés actions en plein krach boursier n'ont été vendues qu'entre le 15 et le 17 octobre, aboutissant à une perte totale de 751 millions d'euros.

Démissions en chaîne

Dans un communiqué publié lundi annonçant sa plainte, la CNCE notait qu'«à l'issue des premières investigations (internes) il est apparu des éléments troublants» susceptibles de revêtir «une qualification pénale, entre autre d'abus de confiance».

Ces pertes ont conduit le 19 octobre son président, Charles Milhaud, ainsi que le numéro deux, Nicolas Mérindol, à démissionner. Le membre du directoire chargé des finances et des risques, Julien Carmona, a lui aussi quitté ses fonctions.

Le précédent Kerviel

C'est la deuxième fois cette année que les activités de trading se retrouvent au centre d'une enquête judiciaire. Le 28 janvier, Jérôme Kerviel, trader de la Société générale, avait été mis en examen pour «abus de confiance», «faux et usage de faux» et «introduction frauduleuse de données dans un système informatique». Il est soupçonné d'avoir camouflé par des falsifications des prises de positions sur les marchés qui ont entraîné une perte de 4,9 milliards d'euros pour la banque.

Après la révélation des pertes de la Caisse d'épargne, Nicolas Mérindol avait toutefois affirmé, en référence à l'affaire Kerviel, qu'il n'y avait pas eu à la Caisse d'Epargne «de dissimulation, ni d'introduction dans les systèmes, ni de fraude de la part des responsables».